Inquisitio ou l’image tronquée de l’Église
Frère Samuel, prêtre de la communauté Saint-Jean et philosophe, s’interroge dans Le Figaro sur les représentations caricaturales de l’Église véhiculées par la série de France 2.
Obscurantisme, fanatisme, antisémitisme, orgueil du pouvoir, débauche, violence et injustice : le regard sur l’Eglise du XIVème siècle de la série Inquisitio est sans nuance. Conçue comme un cocktail sulfureux pour détente estivale, la saga de France 2 compile sans respect de l’histoire et jusqu’au ridicule (Catherine de Sienne en hystérique inquisitrice, vengeresse et morbide !) toutes les perversions, de toutes les religions, de toutes les époques –on a même droit au terrorisme bactériologique- en les projetant sur le schisme avignonnais et son Eglise provençale. Ces déviances, au long des siècles, n’ont bien sûr pas épargné le christianisme, mais lui sont-elles caractéristique, sont elles intrinsèques au religieux ou le lot funeste de toute institution communautaire puissante et de grande ampleur ?
Pourtant, Avignon, l’Eglise des XIV et XVème c’est aussi et même d’abord : l’émergence de la conscience de la dignité de chaque personne humaine comme sujet de droit et de devoir, le commencement d’un grand débat et d’une réflexion critique sur les enjeux du pouvoir politique et la complexité du pouvoir ecclésiastique, et surtout l’efflorescence d’un mouvement artistique et culturel de grande ampleur qui inaugure la Renaissance. C’est ce qui fascine les historiens mais aussi les auteurs qui se penchent sur cette période : le mélange entre le meilleur des interrogations existentielles qui vont devenir celle de la modernité et les peurs et représentations archaïques qui continuent de hanter l’inconscient et le vie collective. Mais pourquoi cet acharnement récurent à véhiculer une vision caricaturale et obscurantiste dans laquelle on enferme finalement l’Eglise de Constantin à Pie XII ?
Sans doute parce que le doute et le soupçon contemporain sur le pouvoir politique et institutionnel d’une part, et la méfiance et le désespoir à l’égard d’une Vérité religieuse ou spirituelle d’autre part fusionnent et se cristallisent à propos de l’Eglise. Mais plus profondément parce qu’en reprochant à l’Eglise, et pour une part à juste titre, de n’avoir pas été respectueuse de l’homme, s’exprime la déception qu’elle n’ait pas été fidèle à l’Evangile et au Christ. Ne faut-il donc pas, par honnêteté, rappeler en quoi elle l’a pourtant et souvent été, et contribuer avec exigence et bienveillance à ce qu’elle le devienne plus et plus intégralement…au bénéfice de tous ?
© Tribune publiée dans Le Figaro, reproduite sur L’Inquisition pour les nuls avec l’aimable autorisation de son auteur.