
Les papes en Avignon (1/2)
Difficile de comprendre dans quel contexte se déroule la série peu historique Inquisitio sans revenir à l’histoire.
Pourquoi les papes sont-ils venus vivre en Avignon ?
Il y a deux périodes avignonnaises de la papauté : la première de 1309 à 1377 et la deuxième de 1378 à 1417.
Rome est la ville dont le pape est évêque, mais il n’habite pas toujours dans l’ancienne capitale romaine. Le siège apostolique n’a pas la fixité qu’il a aujourd’hui, les papes se rendant régulièrement dans des villes des États pontificaux ou à la campagne, passer plusieurs mois. De la même façon que le roi de France est itinérant et vient rarement à Paris, le pape est lui aussi coutumier des déplacements.
Qu’est-ce que les États pontificaux ?
Ce sont des territoires appartenant aux papes, dont l’évêque de Rome est le souverain. La géographie territoriale de ces États a varié au fil du temps, mais ils sont situés au centre de la péninsule italienne, avec des villes enclavées au nord et au sud, comme Bénévent. Ces territoires sont une donation du roi de France Pépin le Bref en 752, qui fait don au pape de provinces conquises sur les Lombards. C’est pour lui un moyen d’unir la papauté et la couronne carolingienne, se faisant ainsi le protecteur de l’Église, comme l’empereur Constantin le fut en son temps. La donation de Pépin se fonde d’ailleurs sur un document appelé la donation de Constantin et qui stipule que l’empereur aurait donné, en 335, des territoires au pape Sylvestre 1er. Ce document est manifestement un faux, créé ultérieurement. La donation faite par Pépin a ensuite été confirmée par Charlemagne en 774. Les États pontificaux existent jusqu’en 1870. Cette année là le roi d’Italie Victor-Emmanuel envahit Rome et ses environs une fois que les troupes françaises, basées à Rome pour protéger le pape, ont quitté la ville pour rejoindre le front de la guerre conte la Prusse. Le pape Pie IX se réfugie dans le palais du Vatican où il se trouve prisonnier. Débute alors la question romaine, qui va envenimer les relations entre l’Italie et le Vatican durant 59 ans, jusqu’à ce que le gouvernement de Mussolini y trouve une solution par les accords du Latran en 1929. Les États pontificaux sont formellement abolis, mais le pape retrouve une souveraineté territoriale sur l’État du Vatican.
La situation de l’Italie à l’époque médiévale
L’Italie n’est pas un royaume unifié. Ce n’est qu’en 1860, après un long processus appelé le Risorgimento, que l’Italie est unifiée sous l’égide des rois de Savoie. Durant toute l’époque médiévale et moderne l’Italie est composée de royaumes, comme les États pontificaux ou le royaume de Naples, de principautés, comme Florence ou Venise, et de républiques autonomes. La géographie politique de l’Italie est complexe et instable, la péninsule est le terrain de guerre et d’influence de toutes les grandes puissances européennes : les Allemands, qui veulent contrôler Rome, les Français, présents à Naples avec les Anjou, les Normands, qui tiennent la Sicile, les Espagnols … Les luttes de clans et de famille sont sanglantes, les alliances se font et se défont au gré des intérêts politiques. La ville de Rome, bien que sous contrôle du pape, n’échappe pas à cette ambiance. Deux grandes familles règnent sur Rome : les Orsinni et les Colonna, chacune essayant de faire élire un pape qui émane soit de sa famille soit de sa clientèle. Pour y parvenir la corruption, les meurtres, les intimidations sont nombreuses. C’est pour essayer d’échapper à ce climat qu’en 1305 les cardinaux élisent un pape qui ne vient pas du milieu romain, puisqu’il est Français. Il s’agit de Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux. Celui-ci refuse de se rendre à Rome afin d’éviter le climat politique étouffant de la ville. Sa cour est alors itinérante et il séjourne dans plusieurs abbayes avant de se rendre à Bordeaux en 1306. Ici, les troubles politiques le rattrapent. La Guyenne est en effet un fief anglais, convoité aussi bien par le roi d’Angleterre que par le roi de France, ce qui déclenchera ultérieurement la guerre de Cent Ans. En séjournant en Guyenne le pape semble donner la préférence aux Anglais. Ne voulant pas prendre parti dans cette querelle il décide alors de se rendre en Avignon, où il arrive en 1309. Avignon est un fief pontifical enserré dans le Comtat Venaissin, qui avait été donné à la papauté par le comte de Toulouse. Il fut définitivement acquis en 1274. Avignon a de grands avantages géographiques : c’est à l’extérieur du royaume de France, mais néanmoins très proche de celui-ci, c’est assez proche de l’Empire, et par le Rhône on peut facilement rejoindre soit le nord de l’Europe, soit la Méditerranée et donc Rome. Ce qui ne devait être qu’un séjour temporaire finit donc pas durer, et les papes aménagent et embelissent le palais pontifical. À la mort de Clément V, survenue en 1314, le pape qui lui succède décide de rester en Avignon, ainsi que ses successeurs jusqu’en 1377.
Le retour à Rome
C’est le pape Grégoire XI, le dernier pape français, qui décide de revenir à Rome en 1377. Il meurt l’année d’après, en 1378, et son décès ouvre la voie à une nouvelle crise entre les familles romaines, si bien que les papes vont revenir en Avignon, mais cette fois dans le contexte du Grand Schisme d’Occident.