Qui était vraiment Catherine de Sienne ?

Qui était vraiment Catherine de Sienne ?

Catherine de Sienne - Inquistio
Dans la série Inquisitio, Catherine de Sienne est dépeinte comme hystérique inquisitrice, vengeresse et morbide.

Quel fut le rôle de Catherine de Sienne dans le retour des papes à Rome ? Difficile à dire. Mais on sait qu’elle était à Avignon le jour du départ de Grégoire XI et que son activité publique était intense.

Catherine de Sienne est en Avignon lorsque Grégoire XI quitte cette ville pour Rome le 13 septembre 1376. Elle n’a eu de cesse que la papauté retrouve son siège romain et a multiplié les interventions en ce sens. Cependant on sait que Grégoire XI dès son élection a manifesté son désir de regagner Rome, que Brigitte de Suède (+ 1373) est déjà intervenue auprès de lui-même et de ses prédécesseurs et l’on peut s’interroger sur l’influence personnelle de Catherine dans cette décision. Les sources ne permettent pas d’élucider totalement cette question sauf à affirmer qu’elle n’a pas ménagé ses efforts auprès des papes et des plus hautes personnalités politiques et religieuses en faveur de la paix en Italie et de la réforme de l’Eglise pour lesquelles elle jugeait ce retour indispensable.

La biographie de Catherine de Sienne s’appuie sur des ouvrages hagiographiques dont il est difficile de dégager les faits historiques, telle la Legenda major de Raymond de Capoue mais aussi sur ses propres écrits. Trois cent quatre-vingt-deux Lettres ont été conservées, mais sans dates avec des données éparpillées, les éléments factuels et chronologiques ayant été le plus souvent supprimés par les hagiographes. Parmi les nombreux destinataires, des dirigeants politiques, religieux et le pape lui-même auxquels Catherine n’hésite pas à écrire. Le Dialogue et les Oraisons nous renseignent plutôt sur sa spiritualité même s’il est intéressant de relire sa première oraison écrite en 1376 à Avignon alors qu’elle est en pleine action apostolique ou les suivantes tandis qu’elle est à Rome, en pleine crise de l’Eglise.

Elle a incontestablement eu un engagement public très intense. Fille d’un teinturier de Sienne, avant-dernière d’une famille de vingt-cinq enfants, elle serait née en 1347. Elle a à plusieurs reprises des visions, la première en 1352 à Sienne. Elle aurait, dès cette époque, fait vœu de virginité. Elle semble avoir mené ensuite la vie des jeunes filles siennoises de son époque, mais à la mort de sa sœur Bonaventura (1362), et malgré l’opposition de ses parents qui la confinent à la maison, elle mène une vie d’ascèse et de mortifications et entre chez les Mantellate 1. C’est alors qu’elle s’invente sa cellule intérieure 2. Après l’expérience des épousailles mystiques elle met fin à sa vie de recluse (1368) et acquiert peu à peu une grande influence à Sienne et au-delà, jouant un rôle de médiatrice dans les nombreux conflits à l’intérieur des cités et entre cités; elle appartient à l’équipe dirigée par Raymond de Capoue que le pape charge en 1375 de prêcher la croisade. Elle reçoit à Pise (1375) les stigmates, invisibles, et y aurait eu une vision concernant le schisme. Il est possible qu’elle ait écrit alors sa première lettre à Grégoire XI (fin 1375). Elle y plaide pour que le pape, qui doit nommer de nouveaux cardinaux, choisisse des hommes de vertu. Déçue par les nominations, elle écrit à nouveau. Elle est ensuite chargée d’une médiation officieuse entre Avignon et Florence, frappée d’interdit par la suite d’un conflit entre la cité et le pape. De là elle écrit encore au pape lui demandant de nommer des pasteurs qui soient «pères des pauvres ne cherchant que l’honneur de Dieu et le salut des âmes». Elle insiste aussi pour que le pape revienne à Rome. C’est alors qu’elle se rend à Avignon avec des membres de sa famiglia. Elle y arrive le 18 juin 1376 et est reçue en audience en compagnie de Raymond de Capoue par Grégoire XI. Celui-ci quitte Avignon le 13 septembre. La présence de Catherine a peut-être donné le coup de pouce nécessaire à un départ plusieurs fois reporté depuis son élection. Elle-même regagne l’Italie mais par une autre route. Malgré les représentations montrant Catherine aux côtés de Grégoire XI entrant officiellement à Rome le 17 janvier 1377, elle n’y est pas, absorbée alors par la fondation d’un éphémère monastère.

Cependant les hostilités perdurent dans les Etats pontificaux. Catherine écrit à nouveau à Grégoire XI, le suppliant de mettre son autorité au service de la réforme de l’Eglise plutôt que d’en user contre les Florentins. Elle intervient aussi à Sienne où elle n’est pas épargnée par la critique. Au début de 1378 elle accepte un mandat politique et ecclésial et se rend à Florence. Le climat y est tel qu’elle comprend vite qu’aucune négociation de paix ne peut réussir.

Emeutes sanglantes

Elle poursuit cependant sa mission tandis que se déroulent des émeutes sanglantes qui constituent une menace pour sa propre vie. Entre-temps Urbain VI succède à Grégoire XI, mort le 27 mars 1378. Napolitain, il représente un compromis entre les partisans d’un pape romain et ceux d’un pape français. Catherine se réjouit de cette élection mais comprend vite que le pape n’est pas favorable à des négociations de réforme et de paix. Elle lui écrit plusieurs lettres, vers la fin juin 1378, dans lesquelles elle traite de justice et de miséricorde comme inséparables des gouvernements temporel et spirituel de l’Eglise et incite une nouvelle fois à nommer des cardinaux en vue de la réforme. Elle continue à soutenir Urbain VI après l’élection de Clément VII qui ouvre le Grand Schisme. En juillet, l’interdit est levé à Florence et Catherine revient à Sienne. C’est pendant cette période dramatique qu’elle aurait dicté, en état d’extase, Le Dialogue. Convoquée ensuite à Rome, elle y arrive le 28 novembre avec les membres de sa famiglia. Une maison lui est fournie qui lui sert de chancellerie. Elle y entreprend une correspondance en vue d’établir la légitimité d’Urbain VI et de rallier à sa papauté. Elle écrit de nombreuses lettres à toutes sortes de personnages impliqués dans le schisme, tandis que le conflit armé entre les deux papes s’aggrave. Sa santé décline rapidement ce qui ne l’empêche pas de se rendre chaque jour à Saint-Pierre là où se trouvait la mosaïque de la navicella de Giotto. Elle offre sa vie en martyre pour l’Eglise et invite par lettre Raymond de Capoue à se consacrer lui aussi tout entier «au vaisseau de la sainte Eglise». Elle aurait reçu sur ses épaules la navicella de l’Eglise croulant sous les divisions et le péché et aurait été elle-même écrasée sous son poids. Elle meurt le 29 avril 1380.

Source : © Histoire du christianisme magazine (revue disponible en kiosque) 

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